The Perfect Project

002 - Une horloge détraquée



Psyho ouvrit lentement les yeux fixant le plafond, sans dire un mot. La solitude pouvait se lire sur son visage encore embrumé par le sommeil. Son réveil s’égosillait depuis dix bonnes minutes mais les sons stridents de ce dernier ne semblaient pas l'atteindre... "Une journée... Encore une journée comme les autres. A quoi ca sert de continuer ? La vie est si terne... A quoi bon se lever lorsqu'on a pas d'envie." Les pensées de Psyho furent stoppées par l'aurore qui venait de pénétrer de ces pas feutrés dans la chambre. Les rayons du soleil révélaient une fine couche de poussière qui valsait lentement, très lentement dans les airs. Comme pour donner plus d'importance à ce moment. Il se leva tout en expirant fortement du nez, jetant un coup d’œil par la fenêtre il vit quelques étudiants déjà prêt qui se dirigeaient vers le centre de formation. La route a pris les couleurs du soleil levant, un joli orange scintillant, presque aveuglant. Un deuxième réveil retentit alors que Psyho était encore à moitié endormi, il avança jusqu’à son armoire et commença à fouiller quelques chemises et autres pantalons. Il n'avait même pas remarqué qu'il avait dormi tout habillé. De sa fainéantise, il garda les vêtements qu'il portait déjà. "Apres tout pourquoi se changer ?". Voyant le bordel, il se persuada de faire un peu de ménage ce soir en rentrant des cours. Psyho se baissa pour ramasser les divers notes de son devoir et les rangea soigneusement dans sa sacoche. Il passa sa main dans ses cheveux encore ébouriffés par un lourd sommeil tentant de se recoiffer quelque peu. Il jeta un dernier coup d’œil vers l’extérieur, le dôme de la ville n'était pas tout a fait opaque, si bien qu'a travers le soleil et le ciel bleuté, on pouvait apercevoir des dizaine et des dizaine d’étoiles. Quel étrange spectacle... Une journée étoiles. Le dôme servait de simulateur de jour et de nuit pour éviter la perte de la notion du temps a bord. Le dôme a été conçu pour générer toutes sorte de temps, allant de la journée ensoleillée à la tempête. Même la neige pouvait être générée.

Le troisième et dernier réveil se mit en route. Psyho réglait toujours trois réveils, pour être sûr de ne pas partir en retard. Trois, car il savait qu'au premier il n'aurait jamais le courage de se lever. Sans prendre la peine de se coiffer ni d'ajuster sa chemise complètement froissée, Il prit les clefs de chez lui et se précipita vers la porte. Psyho avait du mal à viser la serrure par des coups maladroits et endormis. Tout en sortant de la chambre, il agrippa un croissant qui se trouvait dans un panier près de l'entrée. "Et n’oubliez pas la citation du jour : La vie que nous menons est régie par notre destin, tel qu’une horloge est régie par son tic-tac. Il n’appartient qu'a nous de la dérégler." Psyho laissait toujours sa radio allumer, il refusait de partir avant la citation du jour. Il en était particulièrement friand, cela lui remontait un peu le moral. Il claqua la porte qui se ferma automatiquement, la maladresse du réveil laissa place à l'agilité éveillée. Psyho dévala les escalier trois par trois, tout en boutonnant sa chemise. Il ne faisait pas chaud, peut-être une dizaine de degrés à tout casser. Une fois en bas, il leva les yeux vers son balcon et se demanda s'il ne valait pas mieux remonter pour prendre un manteau plus chaud. Il abandonna très vite l'idée et parti au quart de tour pour essayez de rattraper son retard. Comme tous les matins.

En cette heure matinale, où le soleil n'était que partiellement présent, il éclairait les rues à moitié désertes à part quelques chiens et chats qui traînaient ici et la. Cela revient à se demander pourquoi les cours ont lieu si tôt alors que l'esprit et le cerveau était encore a moitié endormi. Psyho trébucha plus d'une fois se rattrapant de justesse lorsqu'il regarda sa montre pour vérifier son retard. Cela allait faire sept ans... Sept ans que le même scénario se répète tous les matins, identique chaque jour. Un destin réglé comme une horloge, au tic-tac imperturbable. Les possibilités sont minces, voir quasi inexistantes... Mais... Et si l'horloge se détraquait ?

Toujours en pleine course, il regarda une fois de plus sa montre et comme maudit, il rata encore un trottoir de plus. Sauf que ce coup si, tout en cherchant à retrouver son équilibre, il bouscula une grande masse sombre, la faisant chuter lourdement. Psyho fit tout son possible pour l'aider à se relever, il chercha a s'excuser, mais l'homme qui le dépassait de presque une tête le coupa "Ha je vous jure la jeunesse aujourd’hui... dégage petit..." Sa phrase fut coupée par une toux grasse et rougeâtre. L'homme en question avait l'air mal en point, il se tenait le ventre et marcha en s'aidant d'une main apposée le long du mur pour éviter de chuter a nouveau. Recroquevillé sur lui-même, il disparut dans une sombre ruelle située entre deux barres de logements de cinq étages de ce quartier pauvre. Psyho se retourna pour repartir de plus belle, mais lorsqu'il voulu regarder sa montre, il vit que sa main était recouverte de sang. Il comprit vite que cet homme devait être gravement blesser, décidant de lui porter secours, il s’engouffra a son tour dans cet étroite ruelle.

La ruelle était très sombre et nauséabonde, contrastant avec les belles avenues scintillantes de propreté situées à quelques mètres d'ici. Sinistre et lugubre sont les seuls mots qui pouvaient venir a l'esprit à la vue de quelques poubelles renversées où gisait le cadavre d'un félin. Psyho ne put définir s'il s'agissait vraiment d'un chat, tellement le corps était en état de décomposition avancé et déchiqueté par les morsures d’innombrables animaux. Est-ce l’œuvre d'un chien enragé ou de corbeaux charognards ? Accompagnée d'un amas de mouche sur la dépouille la scène paraissait tout droit sortie des pires films d'horreur. Psyho avança à petits tâtonnements, humant les odeurs putrides et avariées de la dépouille mélangées à la nourriture périmée qui se trouvait dans cette ruelle où apparemment toutes les poubelles et containers était renversés faisant la joie des rats. Psyho marqua un temps de pause, se demandant s'il n’était pas plus préférable de revenir. Mais l'idée de cet homme blessé l’intriguait trop et puis, il se devait de lui porter secours. Il reprit sa marche le plus lentement possible s'aidant des murs car il ne distinguait plus grand chose a travers cette obscurité. Il crut marcher dans quelque chose de visqueux, par dégoût, son regard n'est jamais descendu en dessous de l'horizon. C'est avec les dents serrées qu'il continuait d'avancer inlassablement dans cette ruelle chassant les mouches et autres insectes qui l'importunaient prêt du visage. Apres une vingtaine de mètres il aperçut une lueur, un lampadaire qui marchait par intermittence saccadée. Dévoilant la scène par flash lumineux. L'homme qu'il avait bousculé s'aidait du lampadaire pour ne pas tomber. l'entachant partiellement de sang. Psyho commençait à le décrire. C'était un homme grand, approchant facilement les deux mètres peut-être plus, pourvu d'une longue chevelure noire qui tombait sur les épaules, un T-shirt plus rouge que violet a cause des écoulements de sang, assez moulant qui faisait ressortir une musculature plus qu'honorable. L'homme commença à suffoquer de plus en plus, les jets de vapeur dus au froid qui émanaient de sa bouche étaient de plus en plus importants. Tout à coup il ouvrit grand la bouche et se mit à crier de toutes ses forces, un cri tellement puissant et strident que Psyho dû se boucher les oreilles, comme par miracle, les 6 ou 7 balles qui étaient logées dans son abdomen et dans son torse, ressortirent lentement comme par magie et tombèrent dans un cliquetis de pièces de monnaie. Apparemment exténué par ce qui venait de se passé, il tomba à genoux suffoquant encore plus violemment, il avait du mal à reprendre son souffle. Il leva sa tête vers le ciel pour déglutir de toutes ses forces. C’est à cet instant précis, le visage éclairé par le lampadaire défectueux que Psyho le reconnu.

Il s'agissait du Lieutenant en chef de tous les chasseurs, répondant au nom étrange de Zo Rro. Mais tout le monde connaît la légende qui tourne autour de lui et qui lui value le sobriquet de Zo Rro Siks Nine. Ce chiffre prouverait sa compétence et ferait trembler les plus noirs des criminelles. L'origines de ce pseudo remonte aux temps de la grande guerre qui se déroula aux alentours de l'an 2440. Tout le monde sait que pour tuer un seul membres de « l’organisation », il fallait au minimum une dizaine de vampire, Il en aurait éradiquer 69 à lui tout seul en moins d'une nuit. Comment un des plus grand guerrier de notre époque a pu se retrouver dans cet état. Bien que la légende soit peu crédible, il était très respecter pour sa sagesse et son honneur.

"Un chat va mourir, les souris vont danser" ces mot provinrent de l'autre bout de la ruelle où se tenait un homme armée d'un pistolet modifié, prêt à abattre le Lieutenant. On pouvait entendre en bruit de fond les sirènes de police accompagnées des crissements de pneus intempestifs se rapprocher à vive allure. L'homme armé jeta un rapide coup d’œil dans la rue adjacente à la ruelle. Il ne remarqua pas la présence de Psyho qui se tenait dans la pénombre à quelque pas de Zo Rro. Sans dire un mot de plus l'homme arma son pistolet ce qui provoqua un cliquetis qui hérissa les oreilles de Psyho. Zo Rro à bout de force, n'ayant plus aucun échappatoire ferma les yeux en serrant les dent. Au même moment où le coup de feu retenti, Psyho, sans réfléchir se jeta sur le Lieutenant, le plaquant violemment au sol. Ce qui surprit ce dernier et le tireur. L'homme armée prit la fuite poursuivi par des chiens policier.

- Ha je vous jure la jeunesse, de nos jours... Cracha Zo Rro tout en essayant de se relever mais trébucha maladroitement.
- Attendez, je vais vous aider, Lieutenant. Psyho le prit par le bras et le souleva de toutes ces forces.
- Tu me connais ? dit-il à moitié étouffé par l'effort
- Tout le monde vous connais Lieutenant... Psyho marqua un temps de pose pour reprendre son souffle car ledit Lieutenant devait bien faire dans les 110 kilos tout en muscle. Ne vous inquiétez pas, la police est arrivée, je vais vous conduire à l’hôpital du quartier.
- Très bien... kof... cela abrège les présentations... Je... J'ai perdue beaucoup de sang... Ecoute... kof kof... Demain je te veux à la guilde des chasseurs à 9 heure...
- Hein ? Mais... Psyho ne comprenant pas très bien, l’interrogea du regard.
- Il n'y a pas de mais, je te veux à.... 9 heures.

Le Lieutenant tomba dans un profond comas, aidé par deux policiers, ils le transportèrent au centre de soin du quartier. Une fois à l’intérieur un brancard arriva aussitôt accompagné de quatre médecins qui le prirent en charge aussitôt. Psyho suivit le cortège jusqu’à la salle des opérations. "Désoler vous ne pouvez pas aller plus loin" Un chirurgien lui barra la route et le pria de bien vouloir patienter ici. Il ne restait plus qu'à attendre pour avoir de plus amples explications.

Psyho déambula lentement à travers les couloirs de l’hôpital regardant dans les différentes chambres, les malades et leurs familles ainsi que leurs amis venus en visite. Certains riaient, d'autres étaient au bord des larmes. Les murs d'un blanc rafraîchissant contrastaient avec cet lourde ambiance. Certains étaient dans le plâtre de la tête aux pieds, d'autres défigurés à vie, probablement à cause d'un accident. Les malades étaient répartis par secteurs. C'est ainsi que Psyho traversa des couloirs pour les brûlures, les accident, les chirurgies , etc... Toujours à travers un brouhaha, on se croirait au marché parfois. Tout a coup le brouhaha disparut pour ne laisser place qu'à un silence qui devenait de plus en plus pesant. Sur l'entrée du couloir on pouvait lire "Oncologie". Psyho n'osa même plus marcher, il tâtonnait faisant le moins de bruit possible. Son sourire laissa place à un visage sans expression. Jetant de timides regards, il n’aperçut que des visages vides et tristes. Des visages impuissants face à cette maladie horrible. Quoi de pire lorsqu'on sait que l'issue est inévitable, qu'il n'existe aucun remède. Psyho fut pétrifié ne sachant plus quoi faire, il entendit une conversation. Un jeune homme de 21 ans, les cheveux bruns et les yeux noirs de désespoir essayer de garder un semblant de sourire face à son père affaibli, auquel il ne reste plus que la peau sur les os. "Je t'aime papa" dit-il de tout son cœur en lui tenant la main, son père n’eut même pas la force de répondre ou même de sourire, le visage défiguré, il ne put que cligner des yeux, des yeux qui n'avait plus de larmes. Le jeune homme sortit les yeux vides en titubant, il était pale. Il s’adossa au mur et laissa couler de chaudes larmes, se laissant glisser vers le sol, ses pieds ne le soutenaient plus. Accroupi par terre, il continua de pleurer, se demandant pourquoi le sort s'acharnait contre eux. Il n'avait jamais rien fait de mal, pourquoi doivent-ils endurer ceci, Il se releva péniblement, essuyant ses larmes. Il aperçut Psyho dans le reflet d'un miroir qui le regardait compatissant. Le jeune homme fit un léger signe de la tête, presque imperceptible, comme s'il voulait remercier Psyho de sa compassion" Ce dernier déglutit en baissant les yeux se sentant mal a l'aise.

"Monsieur ? Le Lieutenant vous attend" Une infirmière vint tirer Psyho de cet endroit cauchemardesque. Il expira un grand coup et suivit l’infirmière.

La fin d’après-midi arriva bien vite, si bien que lorsque Psyho ressortit de l’hôpital, le soleil couchant lui rappela qu'il n'avait rien avalé depuis ce matin à part ce petit croissant. Sur le chemin du retour il entra dans le premier restaurant et commanda à sa faim. Pendant son repos, il ne put s’empêcher de penser aux paroles de Zo Rro et de ce jeune homme. Son ventre criait tellement famine qu'il ne prit le temps de voir la décoration du restaurant. Avant de partir, il acheta deux brochettes de poulet pour chez lui. Il raffolait de ce genre de mets. Une fois chez lui, il jeta ses clefs sur l’étagère à coté de la porte et bouscula du pied tout ce qui lui gênait le passage. C'est à dire vêtements, magasines, vaisselle, cartons. Il prit toute fois le soin d’eviter une pile de verre scintillante de propreté. Psyho sortit les brochettes de leur emballage et les mit dans le micro-onde. Il s'abaissa pour régler la minuterie et vit son visage se refléter en demi-teinte. La voix du Lieutenant était gravée dans son esprit, elle résonnait encore, "Tu t'es trompé de chemin, le destin qui t'appartient est tout autre que ta vie d’étudiant banale et monotone". Il n’arrêtait pas d'y penser pendant que les brochettes tournaient sur elles-mêmes. Une fois ces dernières avalées, il resta un long moment assis à regarder l’activité de la ville par la fenêtre. C'est également le premier soir où il n'alluma pas sa télé. Il n’arrêta pas de se torturer l'esprit sur ce qui venait de se passer. Devrait-il suivre aveuglement les ordres ? Et puis c'était peut-être le seul moyen de retrouver son passé ou du moins de s'en rapprocher. D'un pas plus qu’hésitant, il se rendit dans la salle de bain où il prit une longue douche chaude, il prit même la peine de changer les draps de son lit. Une fois les réveils réglés comme à son habitude, il put se blottir dans un lit respirant la lavande. Enivré par les odeurs et exténué par les événements de la journée, le sommeil vint rapidement.

Un soir de plus venait de tomber révélant peu a peu l'activité nocturne du "Virginia". Il ne restait que vingt heure avant le terme de ce long exil.

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