The Perfect Project

011 - Qu’ai-je fait à mon petit frère !?!



Lucas venait de disparaître dans un rayon de lumière. La mère de Cassandra courrait aussi vite que ses jambes pouvaient la porter. D’une main, elle protégeait la tête de Cassie des branchages qui défilaient à toute vitesse. Sa gorge était serrée par la douleur de cette course effrénée. Elle essayait de trouver la force en elle pour parcourir les derniers mètres restants. Le sacrifice de Lucas ne serait pas vain car la clairière était à portée de main. Lorsque Cassie sentit que le soleil lui réchauffait le dos, elle en déduisit qu’elles avaient réussi à sortir de la forêt et que, devant elles, se trouvait leur dernière chance de salut.

Au milieu d’une grande clairière aux couleurs de jade, trônait la carcasse d’un aéronef suivi d’une grande tranchée couleur bronze. Par une chance incroyable, tous les passagers étaient sains et saufs, Leur mission de reconnaissance allait débuter d’un moment à l’autre. Tous écoutaient avec la plus grande attention leur Lieutenant qui transmettait un rapport de dernière minute en provenance de P2. Le Lieutenant Badok Freecss s’éclaircissa la voix, avant d’entamer un bref résumé du rapport car le temps leur manquait cruellement.

- P.E.02 vient de m’envoyer un rapport qui provient lui-même du Major Kertel Louvart, à la tête de P.E.01. Je vous passerai les détails futiles pour ne garder que l’essentiel. Badok commença à faire les cent pas devant ses chasseurs tout en continuant son discours sur un ton grave. Chacun d’entre-vous a certainement entendu parler de « l’organisation » ou de sa nouvelle appellation « La Confrérie du Dragon Blanc ». Cette… Association de malfaiteurs, appelons-la ainsi, se trouve ici même. Ils sont à l’origine de l’explosion du générateur qui a semé le chaos sur P2. Le rapport ne fait pas état de leurs agissements précédents, ni de leur nombre. Mais peu importe leur nombre, je m’en chargerai personnellement. Ce qui m’inquiète pour le moment, ce sont les « Nightmares ». A peu de choses près, les Nightmares ressemblent à de grands taureaux munis de deux énormes cornes qui proviennent de la base supérieur de leur cou. Ce sont des carnivores extrêmement hostiles et dangereux. Trois d’entre eux ont suffi à mettre à sang la ville de P1 en moins d’une demi-heure et nous nous sommes crashés en plein milieu de leur territoire. Ce que j’ai à vous dire est de la plus haute importance…

« Mon Lieutenant ! » s’écria Psyho en pointant du doigt une direction vers la forêt. Badok eut un petit rictus d’énervement car il avait horreur d’être coupé en plein briefing. Le Lieutenant Badok avait peur pour ses chasseurs. Depuis ce fameux rapport qu’il avait parcouru, les chasseurs devenaient inaptes à ce type de mission. Les recommandations du Major Delik étaient on ne peut plus simples « Face aux nouvelles données apportées par le Major Kertel Louvart. Vous allez au-devant de graves dangers que votre groupe ne pourra pas surmonter. Vous avez ordre de vous replier et de vous mettre à l’abri en attendant de nouvelles instructions. »

« Se replier ? Il en a de bonnes lui ! » Pensa furtivement Badok en inspectant la carcasse inerte du vaisseau. De plus, d’après les relevés topographiques superposés sur la carte des lieux, ils se trouvaient en plein milieu du territoire hostile. Il fallait penser très vite et mettre une stratégie au point. Mais un impondérable vint corser la situation, comme si elle n’était pas assez critique comme ça. Le ciel commençait à s’obscurcir, un nuage noirâtre menaçait d’éclater à tout moment et la légère brise se transformait en rafale.

Badok se retourna lentement dans la direction décrite par Psyho. Il vit une femme sortir des bois. Une femme habillée d’un jean bleu clair qui contrastait avec un chemisier aux couleurs obscures. Elle avait des cheveux bruns aux reflets rouges. Ils étaient courts, ce qui soulignait ses yeux d’un bleu écarlate. Des sourcils très fins appuyaient un regard paniqué. Elle portait un enfant dans ses bras, une petite fillette de 6 ou 7 ans, d’après les estimations de Badok. Elle était vêtue d’une petite robe couleur bleu ciel. Il ne pouvait pas distinguer le visage de la petite fille car elle était de dos.

- Je vous en prie, aidez-moi !!! dit-elle d’une voix mêlant larmes et panique. Je vous en prie, vous êtes mon seul espoir, ils… Ils viennent de tuer Lucas.
- Calmez-vous, qui a été tué, par qui et puis qui êtes-vous ? Badok tentait de calmer la jeune femme en apposant une main sur son épaule. Elle avait tellement peur que tous ses muscles étaient littéralement tétanisés, aussi durs que de la pierre.
- Je… Je suis Léa Louvart, Femme du Major Kertel Louvart. Cet enfant est ma fille, Cassie, elle n’a que 7 ans... Léa marqua un temps de pause pour reprendre son souffle. Je fuis les Nightmares qui ont tué Lucas, un scientifique du laboratoire qui était venu me prévenir de leur arrivée. Il en a payé de sa vie. Mon dieu, qu’allons nous faire ? Ils sont beaucoup trop nombreux, nous ne pourrons jamais en venir à bout. Ils seront notre fau…
- Calmez-vous !!! dit-il en haussant légèrement le ton, puis Badok se retourna vers ses chasseurs. Bon écoutez-moi bien tout le monde. Okajin prend soin d’elles.
- À vos ordres ! Okajin s’exécuta, mais lorsqu’il croisa le regard de Léa et de Cassie, une étrange sensation lui parcouru l’échine. Malgré le jeune âge de Cassandra, elle avait une expression très mûre, comme si elle avait grandi beaucoup trop vite pour son âge. Cela rappelait un peu son cas. Sans comprendre vraiment, il ressentait une espèce de sensation forte et indescriptible à leur contact. Peut-être que le fait de vivre les mêmes épreuves de la vie crée des liens invisibles.
- Dark Ax, tu me fais un balayage thermique des lieux ! je veux savoir combien ils sont !!! ordonna le Lieutenant
- Allez le couteau suisse, fait ton boulot ! LPA comme à son habitude envoya une pique à l’encontre de son confrère.
- LPA !!! Ce n’est vraiment pas le moment pour tes enfantillages. Hurla Badok de plus en plus énervé par les pitreries de LPA. Dark Ax dépêche-toi, la pluie ne va plus tarder et ta vision sera alors inutile.

Dark Ax activa son filtre thermique pour scanner les environs. Le ciel commença à sérieusement se rafraîchir et la température chuta très vite. Le vent devenait de plus en plus brutal. Une sorte d’effet secondaire face à l’explosion qui avait fait fuir les nuages. Comme une vengeance programmée, ils revenaient en masse faire éclater leurs foudres. La condensation magnétique de l’orage imminent brouillait quelque peu la vision de Dark. Analyser les environs lui demanda plus de concentration que prévu. Il tournait très lentement sur lui-même en prenant soin d’analyser chaque donnée avec la plus grande précision. Les autres chasseurs, inquiets, regardaient le visage de marbre de Dark en train d’effectuer ses recherches. Badok quant à lui ne quittait pas du regard les nuages noirs de colère qui, lentement, venaient se poser juste au-dessus de leurs têtes. Psyho assista en direct à la dépigmentation capillaire de la longue crinière du Lieutenant. D’un brun profond, ils devenaient de plus en plus clairs. Il faisait de plus en plus sombre et l’air devenait lourd. Tellement lourd qu’il en était presque suffocant. Psyho fixait le regard blanc immaculé de Badok. Un regard démoniaque qui lui donnait froid dans le dos.

- Maman ! Regarde le monsieur, il a la même boucle d’oreille que moi ! Chuchota la petite fille à sa mère en parlant de l’oreille gauche d’Okajin.

Léa n’en revenait pas. Il n’y avait pas de doute possible, il s’agissait bien de la boucle d’oreille traditionnelle de la famille. Une boucle d’oreille en or sertie d’un petit jade où figurait, gravé au laser, le blason familial. Comment ce chasseur avait-il pu l’obtenir ? Se l’aurait-il approprié en fouillant les décombres après ce tragique accident où elle avait perdu son fils, il y a 7 ans de cela ? Léa fit disparaître rapidement cette idée, car Okajin n’avait que 18 ans, il aurait été bien trop jeune pour s’aventurer dans les décombres à la recherche d’objets de valeur. Pendant un court moment, son amour maternel lui fit croire que ce chasseur aurait pu être son fils, décédé le jour de son dixième anniversaire. C’est pourquoi elle se précipita aussitôt pour examiner son bras gauche. Le bras ne présentait aucune marque de brûlure intense, il ne pouvait s’agir de son fils. Mais, une douleur immense lui serrait le cœur à chaque fois qu’elle revoyait le souvenir de son fils à moitié brûlé au troisième degré. Il avait rendu l’âme pratiquement dans ses bras. Son fils qu’elle aimerait toujours et qu’elle n’oublierait jamais. Son plus grand regret était de ne pas avoir pu obtenir de funérailles car elle devait embarquer sur P.E.01 le lendemain même de ce triste accident. Kertel avait pu, entre guillemets, faire le deuil de son fils, mais Léa se surprenait plusieurs fois à verser une petite larme.

- Analyse terminée ! J’ai pu distinguer dix-huit formes qui nous encerclaient ressemblant à la description que vous avez donné, mon lieutenant !
- Dix-huit… La gorge de Léa se noua de terreur, sachant que seulement trois d’entre eux avaient suffi à mettre la ville à feu et à sang. Le calcul était vite fait. Nous ne survivrons jamais à un tel assaut. C’est impossible ! hurla-t-elle
- Impossible n’est pas Badok ! hurla le lieutenant à son tour.

Tous ces événements l’avaient fortement épuisé, si bien que cette dernière information eut raison d’elle. Léa s’écroula dans l’herbe en chutant lourdement. « Maman ! » cria alertée la petite Cassie en se relevant car elle avait était entraînée par la chute. Nimbus vint s’accroupir doucement au côté de Léa. D’une main légère, elle vérifia ses pulsations cardiaques. En se relevant, Nimbus profita pour faire un petit signe de la tête qui voulait signifier que tout aller bien. Cassandra fut la première a être soulager. « Je m’en charge » Une voix métallique vint faire sursauter la petite fille. Elle vit un grand robot aussi noir qu’une nuit sans lune charger sa mère sur son épaule. Elle n’avait jamais vu de robot de sa prestance. Habituée depuis son enfance aux robots ménagers sans intelligence artificielle poussée, Cassie eut un petit frisson en voyant ces yeux rouges cachés derrière un visage terne et sans expression. Son visage possédait une surface d’apparence, à la fois résineuse et adamantine. Il n’avait pas de bouche, ou alors elle était camouflée derrière cette plaque métallique. Bien qu’elle n’eût que sept ans, elle était impressionnée par ce robot optimisé pour le combat et savait qu’il protégerait sa mère jusqu'à son dernier souffle.

- Ils sont dix-huit exactement, quelle est la tactique à adopter ?
- Mmm… Badok était plus que perplexe, il se passa la main lentement devant la bouche tout en se concentrant sur les dispositions à prendre. Laisse-moi réfléchir… Tout d’abord tu vas me la passer, je ne peux négliger de brider une puissance de feu telle que la tienne.
- À vos ordres. Dit-il d’une voix métallique sans émotions.
- Et pour la petite…
- Je m’en occupe ! Trancha Okajin en prenant la petite dans ces bras. Ne vous inquiétez pas, elle ne sera pas une gêne pour moi.
- Très bien !

Les flux électromagnétiques de l’air ambiant étaient à leur paroxysme. Le sifflement du vent se transforma progressivement en tempête. Il devenait difficile de communiquer sans élever la voix pour couvrir le boucan provoqué par le vent et les arbres. Le visuel n’était toujours pas établi, mais une odeur oppressante venait de s’installer au milieu du groupe de chasseurs. La terre, elle-même, se mit à trembler de peur face à leur arrivée. Chacun retenait son souffle en scrutant l’horizon, essayant de se préparer à l’inconnu.

Les dix-huit Nightmare sortirent en même temps, poussant chacun leur tour un cri qui dépassait l’entendement. Une sorte de cri d’outre-tombe métallique qui vrillait les oreilles. Le regard qu’ils posèrent sur le groupe était clair. Il ne s’agissait pas de chasse, de nourriture, ou de défense de territoire, mais simplement l’envie de tuer, pour le plaisir de tuer. Quelle attitude adopter face à des bêtes sanguinaires qui faisaient trois fois la taille d’un taureau ? Mais le plus inquiétant était leur surnombre. Si seulement trois d’entre-deux avaient mis à sac la ville, de quoi étaient capables ces dix-huit représentants face à une poignée de chasseurs, même d’élite ? D'autant plus que parmi eux se trouvaient 4 apprentis inexpérimentés.

Ces questions tournaient sans cesse dans le crâne du Lieutenant. La solution tardait à venir et les agresseurs s’approchaient de plus en plus, formant un cercle autour du groupe. Le Lieutenant Freecss se racla la gorge, il devait gagner du temps pour mettre une stratégie au point. Gagner du temps ! Gagner du temps…

Une lumière vive aveugla brusquement tout le groupe, Un éclair venait de tomber à une cinquantaine de mètres, tranchant en deux un arbre qui prit aussitôt feu. Ils eurent à peine le temps de reprendre leur esprit que les voilà noyés sous un océan. Un véritable torrent d’eau se mit à chuter d’un ciel obscurci par les ténèbres. Les grognements et les cris des Nightmare avaient disparu devant le vacarme de ce cataclysme. Des trombes d’eaux mêlées à des éclairs aveuglants se déversaient dans la clairière et la forêt avoisinante, noyant l’herbe qui peu à peu se métamorphosait en une bouillasse marron.

- Tout le monde en formation !!! Cercle intercalé !!! Hurla de toutes ses forces Badok à ses chasseurs. Équipe un, préparez vous à tirer… FEU !!!

L’équipe un se mit aussitôt à tirer sur les Nightmares qui firent un bon en arrière surpris par le bruit des puissantes mitrailleuses. Les balles pénétraient leurs chaires, mais elle ne semblaient avoir aucun effet majeur. Psyho avait beau voir des gerbes de sang inonder le sol, ils restaient debout comme si de rien n’était. Okajin remarqua à son tour que les balles ricochaient sur leurs cornes. Il se demanda comment une excroissance osseuse pouvait être aussi résistante ?

- Équipe un, rechargez ! Équipe deux, FEU !!!

Il ne fallait pas leur laisser de temps mort et essayer de les tenir à distance le plus longtemps possible en attendant une meilleure solution. La tactique de Badok consistait à faire tirer une seconde équipe pendant que la première rechargeait. Une fois que la seconde avait vidé son chargeur, c'était au tour de la première de faire feu, tandis que la seconde rechargeait son arme. Ainsi, il n’y avait pas de temps mort.

- Équipe deux, rechargez ! Équipe un, FEU !!!

Malgré cette brillante tactique, les Nightmare désormais habitués au bruit des mitraillettes reprirent leur danse macabre en reprenant du terrain. Le cercle formé par les chasseurs se resserrait lentement autour de Badok qui se trouvait en son centre. « Système…Nerveux… Base... Corne… » Léa qui émergeait de son coma tentait de prévenir Badok. « Point faible… Base… Corne… » Elle prononça ces quelques mots avant de retomber dans le coma.
- Équipe un, rechargez ! Équipe deux, tir rafale, FEU !!! Visez la base des cornes !

L’équipe deux activa le mode rafale de leur mitrailleuse. À présent, ils tiraient par séries de trois balles, ce mode de tir privilégiait la précision. L’information s’avéra fort judicieuse en voyant les premiers Nightmare s’effondrer lourdement au sol. Greg en analysant leur façon de s’écrouler venait de comprendre ce qui se passait. À la base de leurs cornes, sous une épaisse couche d’épiderme osseux devait sûrement se trouver leur système nerveux autonome céphalique. Il s’agissait de l’ensemble des éléments des systèmes nerveux sympathique et parasympathique destinés aux organes de la tête. Qu’ils soient partiellement endommagés ou détruits faisait que les informations ne pouvaient plus circuler entre le cerveau et les différentes parties du corps. C'est pourquoi Greg eut cette étrange impression de les voir tomber en s’emmêlant les pattes.

- Équipe deux recharger ! Équipe un, tir rafale, FEU !!! Même cible !

Okajin qui tenait sa mitrailleuse de la main gauche cherchait à atteindre le loquet pour enclencher le mode rafale de son arme. Car de la main droite il soutenait la petite Cassie qui, accrochée à son cou, l’étranglait presque. Ne voyant pas d’autre solution, il tira le loquet avec ses dents, se brûlant légèrement la lèvre au passage, l’arme étant brûlante,à la limite de l'incandescence. Un petit bruit synthétique croissant lui fit comprendre que le mode rafale était opérationnel. Malgré le fait de porter la petite Cassie, il n’avait pas de problème pour viser. En quatre rafales, deux Nightmare de plus étaient au sol. Il ne restait que sept Nightmare qui couraient désormais à vive allure autour d’eux, tout en n’osant pas trop s’approcher. La pluie torrentielle baissa de régime jusqu'à s’éteindre complètement. La jolie clairière était toute fois ravagée par une vingtaine de centimètres d’eau, mélangée à des décalitres de sang et à plusieurs centaines de douilles éparpillées autour de la zone de tir.

- Équipe un, rechargez ! Équipe deux, FEU !!!

Nimbus, arme aux poings, tirait avec une précision millimétrique faisant mouche à chaque coup. Si seulement ils avaient pris des balles perforantes, ils ne seraient pas obligés de tirer sur un Nightmare à plusieurs reprise pour percer leur épiderme si résistant. Deux de plus étaient tombés. Il n’en restait plus que cinq.

- Lieutenant !!! Nous allons être à cours de munitions ! Hurla LPA
- MERDE !!! Pesta Badok qui n’avait pas envisagé ce point. Cessez le feu ! ordonna-t-il

Maintenant qu’il n’en restait plus que cinq et après avoir vu tous leurs congénères tomber face aux mitrailleuses, ils allaient peut-être abandonner ? Rien n'était sûr, mais Badok voulait voir leurs réactions. Les quatre apprentis prirent une longue, très longue inspiration puis soufflèrent un grand coup pour évacuer tout le stress accumulé. Une fumée blanche émanait du canon de leurs armes. La cadence de tir élevée avait surchauffé les armes à tel point qu’un épais nuage de vapeur avait surgi lorsque Okajin planta son canon dans une flaque d’eau qui se trouvait à ses pieds. Il crut entendre le métal siffler en se refroidissant. Mais ce n’était pas encore fini car les cinq Nightmare restant fixaient le groupe d’un regard malsain. Psyho avait cru pendant un moment qu’ils allaient passer à l’attaque, c’est pourquoi il avait brandi son arme. Mais à son plus grand étonnement, ils s'enfuirent sans raison apparente.

- Il s’enfuit comme ça, sans rien dire ? Théo resta dubitatif devant les cinq Nightmare qui repartaient doucement vers la forêt, laissant les cadavres agonisant de leurs semblables.
- Il ne s’enfuit pas, repris Greg. Regarde leurs démarches, ont-ils l’air de s’enfuir ? Ils prennent tout leur temps, comme rassuré. Écoute les, ils ne grognent plus… On pourrait presque croire qu’ils… Ricanent ! Tu ne trouves pas ?
- Bla bla bla… Dit-il d’un air à la fois blasé et énervé.

Badok fit un rapide calcul des réserves de munitions qui s’avéraient être au final très minces. Un seul objectif en vue à présent. Rejoindre la ville pour prendre contact avec P2 et demander du renfort. La clairière était salie à tout jamais par le souvenir de cette fusillade sanglante. Certains d’entre eux gesticulaient encore sous l’agonie de leurs nerfs.

Nimbus eut pitié de leur sort en croisant le regard affaibli de l’un d’entre eux. Tuer un animal vous fait ressentir une tout autre sensation que de descendre froidement un être humain. Quelle ironie… Des meurtres, des assassinats, des batailles, des guerres, l’homme s’entredéchire et s’entretue depuis des millénaires. L’humanité a commis des actes tellement ignobles envers ses semblables que le diable en personne en a la chair de poule. Tous ces crimes, ces désolations… Nimbus en a été le témoin depuis sa tendre enfance. Depuis le jour où son visage s’est figé dans le temps. Depuis ce jour, elle n’avait prononcé aucun mot ni ne laissa transparaître d’émotion. Pourquoi se laisser porté par ces émotions lorsque l’humain est tellement perverti. Ce qu’elle a vu et ce qu’elle a subi ce jour-là a définitivement eut raison de son humanité. Elle s’en voulait quelque peu d’avoir descendu ces animaux sauvages. Ils ne faisaient rien d’autre que de défendre leurs territoires. Ils n’avaient pas mérité leurs sorts. Mais la vengeance est désormais proche. À cette pensée Nimbus serra son arme de toutes ses forces et senti son cœur dérailler. Quiconque se mettrait en travers de son chemin goûterait de sa lame. Elle retenait ses larmes au plus profond de son cœur.

- Nimbus… Nimbus !
- …
La jeune Nimbus, les pupilles encore dilatées par un souvenir douloureux, se retourna vers le Lieutenant qui l’appelait depuis un moment. Un petit signe de la tête et elle reprit la marche d’un pied déterminé.

Peu avant d’atteindre la forêt une forte secousse vint déstabiliser les chasseurs. Okajin emporté par le poids de la petite manqua de chuter lourdement. Tout le groupe arrêta la marche et regardait, intrigué, dans les quatre coins de la clairière. Cette secousse n’avait rien de naturel.

- Regarder, les arbres aux fonds ! s’exclama Psyho

Les arbres semblaient trembler de peur. Certains d’entre eux se tordaient de douleur. Nos chasseurs entendaient de puissants craquements sourds provenant d’arbres qui chutaient les un après les autres. Une incompréhension totale envahissait le groupe. Devant leurs yeux ébahis, ils voyaient les plus hauts arbres de la forêt tomber les un après les autres comme écrasés par un géant sans vergogne. La chute des arbres prenait peu à peu forme et semblait se diriger vers la clairière formant une sorte de grande tranchée au milieu de cette forêt meurtrie. Les grondements s’intensifiaient au fur et à mesure et les craquements sourds devenaient de plus en plus distinct. La destruction approchait à grands pas vers nos chasseurs qui restaient sans voix.

Lorsque tout à coup, un des arbres prit son envol à travers les cieux tel un javelot envoyé par un géant de trente mètres. Il fonçait droit sur eux comme une arme de destruction massive, prête à les broyer au passage. Le javelot de quinze mètres vint se planter à quelques centimètres à peine du groupe qui avait réarmé leurs mitrailleuses avec le peu de munitions restantes, tout en reprenant leurs esprits.

- Putain ! Qu’est-ce qui a pu projeter un tronc de 15 mètres sur nous ? Pesta Théo en se relevant
- … C’est…C’est…C’est… Léa en avait perdu son latin, tétanisée par la peur. C’est LUI !!!
- Qui ça lui ? Demanda Greg à son tour.
- Le… Le… La gorge nouée, Léa déglutit aussi bruyamment qu’elle pouvait… Le Knight How…

Léa Louvart ne pu terminer sa phrase qu’un cri assourdissant vint vriller les tympans jusqu'au déchirement. La plupart s’écroulèrent au sol de douleur, les mains posés ardemment sur les oreilles pour essayer d’atténuer le crissement. Okajin déstabilisé se laissa tomber en prenant soin dans un dernier effort de ne pas écraser la petite Cassie. Greg, Théo, Psyho et Badok étaient bloqués au sol ayant perdu tout leurs sens. Nimbus réussi à rester debout en s’aidant de sa lance. Dark Ax et LPA n’en croyaient pas leurs yeux.

Dark Ax perturbé par la vision qu’il venait d’avoir ne savait pas trop comment réagir. Ce qui se tenait devant eux était à l’origine de ces arbres déracinés. Probablement même qu’il était l’auteur de ce javelot qui avait failli leur coûter la vie. Il ressemblait à s’y méprendre au Nightmare, sauf que « lui » était plus gros, beaucoup plus gros. Une sorte Taureau-éléphant à tête de lion munit de deux énorme cornes provenant de la base supérieure de son cou. Rien que son cri avait réussi à mettre à genoux l’élite des chasseurs. Il devait atteindre approximativement les 2 mètres 50 de haut et 5 de long.

Ses deux pattes antérieures se soulevèrent avant de se rabattre avec violence au sol. Le choc fut si puissant que toute l’eau de la clairière fut projetée à plus de cinq mètres de haut. Cette fois-ci tout le monde fut plaqué au sol sans exception après un court vol en apesanteur. Pendant vingt secondes, il s’était remis à pleuvoir.

- Nous ne pourrons jamais l’affronter avec notre équipement actuel, nous allons devoir fuir.
- Fuir, mon Lieutenant ? Vu son gabarit, il va nous rattraper sans problème.
- Je le sais… LPA, Nimbus ! Retardez-le par tous les moyens !
- À vos ordres mon Lieutenant
- …
Okajin repris Cassie dans ses bras, pendant que Psyho aida le Lieutenant à se relever. Théo, Greg et le reste de la troupe avaient déjà entamé la marche à reculons, n’osant pas trop quitter du regard le monstre déchaîné qui leur faisait face.

LPA fit quelque pas en avant pour se retrouver à une dizaine de mètres du Knight Howling. Une seule expression se lisait sur son visage… L’excitation. Il fit craquer bruyamment ses doigts en se délectant de ce qui allait suivre. « Je vais enfin m’amuser un peu ! »

Pendant ce temps, le Lieutenant ouvrait la marche à travers les bois en direction de la ville. Les visages étaient encore crispés à cause de ce qu’ils venaient de vivre. Les souvenirs de ces démons féroces resteraient à jamais gravés dans leur mémoire. Le pas lourd mais déterminé, ils avançaient lentement à travers cette forêt marécageuse. Le doigt sur la détente, ils étaient prêts à tirer au moindre bruit suspect. Quelques minutes s’étaient écoulées et un silence oppressant s’était installé sur le groupe. Personne n’osait prendre la parole. On n'entendait que le clapotement des bottes sur la boue et les branches cassées par Badok pour se frayer un chemin. Plus ils avançaient et plus leurs pas se faisaient incertains. Si bien qu'au bout d’une centaine de mètres, Léa s’arrêta, perturbée. Elle avait beau avoir prit ce chemin des centaines de fois, elle n’arrivait plus à en distinguer la direction à suivre. Cet orage avait sévèrement altéré le paysage qu’elle connaissait si bien. Elle se souvenait parfaitement du petit chemin de terre qui reliait l’étang à la ville. Mais devant elle ne s’offrait à présent qu’une mélasse verdâtre de branches et d’arbres arrachés, la pluie ayant effacé les traces de la petite route artificielle.

« Et maintenant ? » demanda le Lieutenant en se rapprochant d’elle. Perturbée, choquée, presque anéantie, elle ne savait plus où donner de la tête. Le regard de sa fille dans les bras du chasseur Okajin la rassurait toutefois un peu. Les yeux dépités, Léa tourna dans tous les sens, se demandant parfois s’ils n’avaient pas tourné en rond. Puis, comme une petite fille n’osant pas avouer avoir fait une bêtise, elle regarda apeurée, prête à céder à la panique, le Lieutenant Badok. Ce dernier comprenant la situation, plongea la main dans une grande poche de son long manteau et en ressortit une sorte de pistolet, qu’il tendit à Okajin. Il déposa lentement Cassandra au sol et prit fermement le pistolet dans sa main droite.

« Ceci est une FBT, fusée de balise topographique. Tu vas escalader cet arbre et tirer en l’air, la balise devrait pouvoir nous donner un plan topographique des lieux. Ce qui nous permettra de retrouver la ville plus facilement et surtout plus rapidement. » Face aux ordres du Lieutenant Freecss, Okajin acquiesça énergiquement.

Il fit demi-tour pour faire face à un arbre qui se trouvait à quelques mètres de lui. Il jeta un coup d’œil furtif en l’air pour distinguer la disposition des branches qui allaient l’aider à monter. Puis en prenant son élan, il fit quatre grands pas en courant pour se donner de la vitesse. Le cinquième pas se plaqua contre l’écorce érodée par la pluie torrentielle et avec une agilité féline il se projeta en l’air en direction d’une branche située à trois mètres de haut. Le saut, malgré l’impulsion, était juste et il ne put atteindre la branche qu’avec sa main gauche qu’il avait tendue au maximum. Suspendu par la main gauche, il continua de tenir fermement le pistolet de la main droite.

- Quel idiot ! Il aurait mieux fait de ranger la FBT avant de sauter. Remarqua Greg
- Oui, il aurait eu ses deux mains de libre, il est bien avancé maintenant à être suspendu comme une tringle a rideau. Ricana à son tour Théo.
- Il est bon pour recommencer. Affirma Dark Ax de son côté.

Okajin faisait semblant de ne rien entendre des remarques de ses coéquipiers et attendait patiemment que la branche veuille bien se calmer. Une fois que cette dernière se stabilisa sous son poids, il commença à se hisser à la force d’un bras. Tout le monde était fort impressionné, car malgré le poids de son équipement et son propre poids, il parvenait à se hisser lentement mais sans la moindre difficulté. Son visage restait stoïque et ses muscles ne tremblaient même pas devant l’effort. Théo se demandait quel entraînement il avait bien pu suivre pour développer une telle force. Il n’avait pas l’air d’avoir une forte masse musculaire. En moins d’une minute, Okajin escalada un arbre de dix mètres. Une fois au sommet, il pointa la FBT en direction du ciel et fit feu. Telle une fusée de détresse, une petite boule de feu s’extirpa du canon de l’arme et parti très haut dans le ciel.

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