The Perfect Project

000 - Là où tout fini



Me voici une fois de plus adossé à cette fenêtre, à regarder cette verte prairie qui valse au gré du vent. Les doux rayons du soleil me réchauffent le visage, je pousse un petit soupir d'extase en fermant les yeux face à cette agréable sensation. En cette heure encore matinale, je distingue les lanternes de la ville s'éteindre les unes après les autres. Cela allait bientôt faire deux mois que je vivais dans cette baraque en bois à la périphérie de la ville. Un monde médiéval. Deux mois que j'apporte mon aide aux deux jeunes femmes qui m'ont hébergé après m'avoir découvert inconscient en lisière de forêt. Deux mois paisibles... reposants et pourtant je n’arrête pas de me torturer l'esprit. Comment ai-je bien pu atterrir ici ? Serait-ce le paradis ? Une illusion de mon âme pendant que mon corps repose en paix quelque part ? Est-ce que je suis mort ? Est-ce que ce serait la Golconde, bien que je ne sache exactement de quoi il en retourne ? Bien que je me sente en vie (c'est pas la bonne expression). Ce monde a l'air tellement parfait, tellement... irréel. Il n'y a pas de maladie, pas de mort. Toutes les personnes que j'ai pu rencontrer sont... du moins aucune n'est mauvaise.... ils sont.... haaaa j'en perd mon latin, rien que le fait de sentir le soleil me réchauffer est irréel. Depuis quand les Vampires marchent au soleil ?. Comme je l'ai dit plus haut, "un vrai paradis", même la nature s'y prêtait. J'ai pu apercevoir des roses sauvages sans épines, les arbres ne donnaient jamais de fruits pourris, ni de branches ou même de feuilles mortes. Tout semblait comme arrêté dans le temps. Immortalisé au meilleur moment de la vie de chaque être et de chaque végétal. On ne pourrait même pas classer cette chose d'utopique, c'est bien plus que cela.

Encore un regard par la fenêtre et les rayons orangés du soleil sur l'herbe verte me font plus penser à une aquarelle de mille feux. C'est pourquoi je me demande si je ne suis pas bel et bien mort et que tout ceci ne soit que l’écho d'un rêve, un rêve que j’espère ne finira jamais. Lors du petit-déjeuner, Yukiko, une des deux jeunes femmes, essayait en vain de m'aider à retrouver la mémoire et à débloquer cette amnésie si encombrante... Lorsque je voulus attraper le pot pour me servir un verre, un flash violent me traversa l'esprit, ce qui me fit lâcher le pot qui s’éparpilla au sol au milieu d'une mare d'eau. Quelques bribes de mes souvenirs rejaillissaient sans crier gare et défilaient à toute vitesse devant mes yeux, momentanément aveugles. Ces flashs violents se manifestaient plusieurs fois par jour ces dernier temps, et je les trouve particulièrement violents. J'ai même eu d'incroyables poussées de fièvre, comme si la vérité voulait éclater au grand jour. Sur les conseils de Lilith, la deuxième jeune femme, je prenais des notes de chaque flash et autres souvenirs émergeants sur un calepin. Cela allait faire deux mois que j'annotais des choses sans queue ni tête dans mon calepin. Je pense pouvoir à présent pouvoir remettre tout en ordre et revoir... relire mon passé de manière chronologique. Mais sont-ce bien mes souvenirs, ou juste des rêves éveillés ? Est-ce mon passé, ou une histoire monté de toutes pièces par mon subconscient ? Tout au long de mes notes, je prenais soin d'écrire à la troisième personne, comme si ce "Psyho" était un individu complètement à part de ma personne. Cela me permettait d’éviter de m'identifier à lui et ainsi influencer mon subconscient qui me persuadait qu'il s'agissait bien de moi-même. Ce sont mes aventures tout en étant celles de quelqu'un d'autre, car je n'ai aucun souvenir que ce soit moi-même qui est vécu ces choses. Et puis.... est-ce que je souhaite vraiment me souvenir ?

Je suis si bien ici avec mon ignorance, mais une chose plus forte que moi me pousse à vouloir connaître mon passé, mes racines. De plus mon 6ème sens, qui ne m'a jamais fait défaut, me donne l'impression que tout ce calme n'est qu'éphémère, j'en mettrais ma main à couper. Les Loups-Garous semblent agités ces temps ci. D'ailleurs cette impression est renforcée par le fait que Yukiko enchaîne les tours de garde à la petite forteresse située en lisière de forêt à environs quatre cents mètres d'ici.

Le soleil était encore très bas dans le ciel et une petite brise fraîche pénétrait par les fenêtres grandes ouvertes, provoquant de légers grincements et sifflements. Je profite du fait que Lilith s'occupe de débarrasser la table pour faire un petit feu dans la cheminée. Même si nous n'avons pas besoin de nous réchauffer car le climat n’a jamais été en dessous des 20°C ni dépassé les 28°C, le crépitement des branches en train de brûler est toujours agréable à l'oreille. Lilith vint se poser à côté de moi, elle voulait lire mes souvenirs, mes annotations. Même si elle les connaissait déjà par cœur, pour la première fois elles allaient être dans l'ordre chronologique. J'y avais apposé des numéros et des titres à chacun d'entre eux, sans quoi je n'aurais jamais pu les remettre en ordre. Lilith a toujours aimé m’écouter, sans doute intriguée par l'inconnu et à la fois amusée par mon amnésie. Elle prit un grand verre d'eau qu'elle bu à grosses gorgées, on pouvait l'entendre déglutir de l'autre bout de la pièce, elle prit le calepin en s’éclaircissant la voix. Me prenant au jeu du récit, j’essayais en vain de trouver un titre. Si tout finit à cet endroit, je l'aurais nommé "Là où tout fini" car je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus. Pour moi c'est la fin ! Plus rien ne se passera, j'ai enfin le droit à mon repos éternel. Mais Lilith eu la bonne idée d'appeler ceci tout bêtement "Origines". Pour me remonter le moral et me prouver que je vivrais d'autres aventures, elle annota à la plume d'oie de sa belle écriture gothique le terme "Tome I". Cela me fit sourire.

De sa voix cristalline et innocente, elle conta mes aventures...

|